Tournant historique : le 7 décembre 2020, l’eau, source de toute vie, est devenue officiellement une valeur cotée en bourse aux États-Unis, dans l’indifférence des gouvernements. Nous sommes réuni.e.s devant la Bourse de Paris pour dénoncer cet accaparement et des rassemblements similaires se déroulent dans une dizaine de pays dans le monde.
L’État des lieux
Il y a un an, le 7 décembre 2020, l’eau entrait en bourse à Chicago. La soif d’eau du monde vivant a cédé la place à la soif d’appropriation et de profit du monde financier.
L’eau de bonne qualité pour les usages humains est de plus en plus rare. Cette pénurie pousse les dominants du monde, au plan local et « national », à accaparer à leur profit les terres et les ressources hydriques à travers le monde, au motif de leur sécurité et du développement durable. Un bien commun, essentiel à la vie et irremplaçable, est devenue une marchandise destinée au seul profit financier.
L’eau propre aux usages humains est confisquée par les prélèvements excessifs (en France, 50 % de l’eau prélevée est destinée aux centrales nucléaires), la pollution et la contamination (un tiers des eaux souterraines en France), les activités minières, la déforestation et la dégradation des sols, la vétusté des grands barrages et des équipements de distribution…
L’objectif fixé depuis l’an 2000 par l’ONU de « Ne laisser personne de coté » est cyniquement ignoré : plus de 2,1 milliards d’êtres humains sont encore sans eau potable en quantité suffisante, 4,2 milliards sans services sanitaires hygiéniques. Le concept même de droit humain à l’eau, égal pour tous, justiciable, a été remplacé par celui d’accès à l’eau, « équitable et à prix abordable », déchargeant les Etats de leurs obligations morales, ouvrant la porte à la privatisation, la concurrence, le profit, au mépris de la sauvegarde du monde vivant. Les discours politiques tentant de justifier ces pratiques ont éradiqué les valeurs humaines, sociales, politiques, culturelles, spirituelles : la justice, l’égalité, la liberté, le partage, la gratuité, la fraternité, la responsabilité…
Le droit à la vie est ainsi coupé du concept de bien commun – concept par ailleurs sans cesse affiché mais rarement expliqué par certains politiques, voire économistes et sociologues.
Les pouvoirs publics ont souvent abdiqué la gouvernance des conditions de vie dans l’intérêt commun, public, général, livrée par les États eux-mêmes à des sujets mondiaux privés.
Cette absence d’une politique mondiale publique des biens et services communs essentiels à la vie constitue un des facteurs structurels clé de la croissance actuelle des inégalités, des injustices, des guerres et des privations de libertés. La marchandisation et la privatisation de l’eau nécessaire à la vie vont contre la paix, la justice et la liberté.
A rebours de l’histoire
Cette financiarisation va à l’encontre des attentes des citoyen.ne.s que l’eau soit considérée comme un bien commun. Elle va à contrario du fort mouvement de retour à la gestion publique de l’eau, observable dans le monde et en France. Dans les prochaines années, c’est plus de trois millions d’usagers qui vont passer d’une gestion privée à une gestion publique dans notre pays.
Action !
En Île-de-France, sous l’impulsion de la Coordination EAU Île-de-France, 18 villes de deux territoires du Grand Paris ont quitté le Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF) lié à Veolia depuis un siècle, pour créer deux régies publiques territoriales. Dans le sud de la région parisienne, plusieurs régies ont constitué ensemble un syndicat de production et visent récupérer des usines de production d’eau, que Suez s’était appropriées indûment.
En France, l’Assemblée nationale a créé le 11 février 2021 une Commission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, menée sous la direction de Mathilde Panot. Son rapporteur Olivier Serva a publié le 21 juillet un constat accablant qui souligne la nécessité de reconnaissance du caractère inappropriable de l’eau dans sa globalité et de son usage commun, ainsi que l’obligation de conservation de la ressource en eau, impliquant le statut de bien commun.
Les objectifs en vue ne sauraient concerner qu’un seul pays. Un mouvement international s’impose pour transformer la gestion de l’eau au plan mondial.
L’Agora des Habitants de la Terre définit trois grands axes d’actions à mener :
Promouvoir la sécurité hydrique collective mondiale, en obtenant le retrait de l’eau des transactions financières en Bourse et la création du Conseil citoyen de sécurité de l’eau ;
Sauver le droit universel des humains à l’eau et promouvoir les droits de l’eau, bien de la nature,
par la sensibilisation et la mobilisation citoyennes pour une coopération entre gouvernements et parlements/société civile visant la définition de nouveaux droits et de nouvelles responsabilités ;
Établir des règles et institutions mondiales permettant le gouvernement de l’eau « res publica », pour la vie, pour la santé des peuples et de tout le monde vivant : organiser en urgence un référendum mondial sur la reconnaissance de l’eau bien commun mondial ; créer un parlement mondial de l’eau.
Contacts : universitebiencommun@gmail.com